Soyons lucides, l’année 2023 ne nous épargnera probablement pas davantage que les précédentes. Le dérèglement climatique s’accélère, la guerre en Ukraine est à quelques heures, les hausses des coûts de l’énergie fragilisent les entreprises, l’inflation et le projet de réforme des retraites tendent le climat social. Le Covid semble presque loin. Face à cette houle tenace, les entreprises cherchent à naviguer de crises en crises, tentant parfois des coups de barre audacieux, cherchant à mobiliser un équipage qui fatigue. Et si la solution était ailleurs ? S’il s’agissait de s’extraire du cycle « Je subis / Je défends » pour engager une réflexion prospective, lucide et volontaire et définir un nouveau cap ? Et si 2023 était l’année de la transformation des modèles stratégiques et de la prise de risque ?
37% des actifs français envisagent le sujet du « quiet quitting » (Etude IFOP pour Les Makers, octobre 2022), 6 sur 10 ont déjà quitté ou pensé quitter leur travail par manque de sens (Etude Juin 2022 Opinion Way pour l’Anact). Cela interroge sur la centralité de la « valeur travail ». Ces derniers mois, certains ont pu initier une réponse à cette quête de sens, de « purpose », d’autres moins : pas envie, pas le temps, pas les ressources, la prochaine vague approche déjà et il va falloir la passer.
Pourtant, la question du sens de l’activité, du travail, est un révélateur d’une remise en question plus fondamentale du rôle de l’entreprise et du monde économique. Pour assurer leur survie (et la nôtre), des secteurs entiers, le tourisme, la montagne, la mode, l’agriculture… vont devoir se réinventer. Parce que les ressources naturelles qu’ils exploitent s’appauvrissent, parce que leur impact pose question, parce que la sobriété n’est que la première étape d’une mutation nécessaire.
Fort heureusement, certaines entreprises le comprennent et s’emparent du sujet avec leurs équipes, leurs clients, leurs fournisseurs. Et ça commence à bouger, avec des prises de parole parfois fortes et inattendues : le directeur général d’Aéroport de Paris, Augustin de Romanet, qui concède que le transport aérien est condamné sans décarbonation et invite à un nécessaire usage plus modéré de l’avion. Ou encore un collectif de 150 acteurs français de la filière mode appelant à davantage de régulation par l’état.
Le déclic de la réorientation peut avoir plusieurs origines : la prise de conscience de son impact, le besoin d’être utile, un regard lucide sur l’avenir de son marché et sa propre pérennité, des équipes et clients en attente, etc. Avec des questions concrètes : le sourcing de notre produit contribue-t-il à l’épuisement de ressources, à l’exploitation de populations ? Son mode de distribution est-il émetteur de carbone ? Peut-on anticiper collectivement plutôt que jouer la carte conservatrice du lobbying ? Faut-il nous ouvrir sur nos interrogations ou le déni de réalité doit-il prévaloir ? Pouvons-nous faire évoluer également notre secteur, notre territoire ?
Les exemples d’entreprises qui osent se réinventer sont de plus en plus nombreux, dans tous les secteurs. Citons l’entreprise Vedettes de Paris, rencontrée pendant notre parcours à la Convention des Entreprises pour le Climat. Au départ : une flotte de bateaux mouches à l’énergie diesel, accueillant touristes internationaux au bilan carbone lourd. A l’issue d’un parcours exigeant : la bascule de la flotte de bateaux vers l’électrique, la préservation de la qualité et de la biodiversité du fleuve au cœur du modèle, une mise en mouvement de l’ensemble de l’équipe sur l’offre et l’impact. Chapeau !
Autre exemple, plus proche de nous puisque c’est un client, le groupe de menuiserie CETIH, l’un des premiers avoir engagé une démarche RSE sur le territoire il y a plus de 15 ans. Aujourd’hui, entreprise à mission, il s’appuie sur une matrice de contribution et une gouvernance responsable qui allie actionnariat salarié, fonds à impact et fonds de dotation.
On peut également citer la MAIF, dont le directeur général Pascal Demurger a annoncé récemment la création d’un dividende écologique de 10 % du chiffre d’affaires et invité les entreprises à s’interroger sur leur propre partage de la valeur.
Modestement, chez B Side, entreprise à mission depuis 2020, nous essayons de transformer le modèle en profondeur : le type de projets que nous accompagnons a changé, nous avons initié une refonte globale de nos méthodes et de notre fonctionnement, pour nous aligner avec notre raison d’être, fondée sur la communication utile qui amplifie la transformation des entreprises au service d’une économie positive. Cela bouscule mais vous savez quoi ? C’est stimulant, et même joyeux !
Les entreprises que nous rencontrons chez B Side et qui sont engagées dans cette transformation n’ont pas toutes la même approche vis-à-vis de la communication. Certaines veulent aller vite : l’entreprise a déjà changé mais reste trop discrète, prend du retard vis-à-vis de concurrents moins complexés, qui communiquent, eux. D’autres ont des craintes à s’exprimer en externe trop vite, à s’exposer sans être suffisamment avancées.
Car oui, les publics internes et externes que nous sommes sont plus matures sur ces sujets, parfois plus radicaux aussi, et n’achètent plus une « com RSE » sans preuve. Nous repérons plus facilement le greenwashing, le purpose washing ou le social washing, ou y sommes aidés par de formidables lanceurs d’alertes que sont Le Bon Pote, Mathieu Jahnich, Amis de la Terre, les collectifs citoyens, etc. qui utilisent avec efficacité le greentrolling pour dénoncer les abus de communication.
Faut-il pour autant attendre d’être structuré pour communiquer ? Annoncer ses intentions, c’est créer une attente, s’engager à rendre des comptes et c’est un premier pas signifiant. Dans tous les cas, le premier public à embarquer est interne. Les équipes seront les premières impactées, et impliquées, par les changements des méthodes, de métiers et d’organisation. Et ça peut tanguer.
Quant à communiquer en externe, s’il n’est pas nécessaire d’avoir atteint tous ses objectifs, il est néanmoins indispensable d’aller au-delà des bonnes intentions, d’ancrer la transformation dans le réel : avec des objectifs, des chantiers, des témoignages, des premiers résultats. Quand la transformation est sincère, il faut pouvoir la raconter, ses réussites mais aussi ses interrogations, ses renoncements. La communication ne peut plus faire semblant mais, quand elle est menée avec vérité, elle permet de s’attacher le soutien de toutes les parties prenantes, plus que jamais utile lorsqu’on s’aventure sur des voies inconnues.
Redéfinir un cap ne préserve pas de s’interroger sur l’itinéraire. Se transformer promet évidemment des étapes mouvementées ; mais se fixer et partager une direction claire, s’appuyer sur des équipes qui savent pourquoi elles ont embarqué et sont déterminées à avancer, se donner le pouvoir d’aller au-devant de la réglementation, de se fixer des objectifs sociaux et environnementaux, de se remettre en question, crée de grands courants favorables.
Devenir un acteur qui fait bouger les lignes de son marché, de son territoire, d’un système qui semblait immuable crée de l’enthousiasme, de la solidarité et, osons le dire, un début d’optimisme !
Ce constat, nous l’avons fait pour nous-même, dans les nombreux réseaux d’acteurs du changement auxquels nous participons, et aussi chez les clients que nous accompagnons dans leur (r)évolution, depuis la maïeutique de leur raison d’être jusqu’à la transformation de leur discours corporate et commerciaux, en passant par le challenge de leur stratégie.
Alors, on embarque ensemble pour 2023 ?